Cabane, Joyn Hut et Quiet Motion: Espace intime

Nous verrons dans cet articles différents travaux qui s’inscrivent dans l’esprit de création d’un espace intime, mais restant toujours ouvert sur l’extérieur. Certaines des oeuvres des frères Bouroullec, que je ne citerais pas toutes, peuvent répondre à cette philosophie. Approchant la micro-architecture ou bien l’installation, il y a la « Cabane » (2001), la « Joyn Hut » (2004) ou la « Quiet Motion »  (2013). Dans le même esprit pouvaient s’inscrire les autres pièces de la série « Joyn », le « Highcove Sofa » (2006) ou bien même le « Lit clos » (2000), que nous avons déjà vu. Cependant, je m’intéresserais ici, plutôt qu’au mobilier, à la question de l’abris.

La « Cabane » est, comme son nom l’indique, une réalisation s’apparentant à une cabane. Crée pour la galerie Kreo en 2001, il s’agit d’une structure en polypropylène, laine, métal et mousse, de 390x200x180 centimètres. Cette conception n’a pas été commercialisée et est le sujet d’une édition limitée à trois pièces. Les frères Bouroullec expliquent son concept dans le livre « Ronan et Erwan Bouroullec » publié par Phaidon en 2003:

« La ‘Cabane’ définie simplement un périmètre, et ce de l’intérieur et de l’extérieur, parce qu’elle échappe aux typologies suggérant un usage particulier, retournant à la simple idée de frontière. »(1) 

Bouroullec R. et Er., "Cabane", 2001, métal, polypropylene, laine, mousse, 390x200x150 cm., © Morgane Le Gall, (158,75x132,29 mm.).

Bouroullec R. et Er., « Cabane », 2001, métal, polypropylene, laine, mousse, 390x200x150 cm., © Morgane Le Gall, (158,75×132,29 mm.).

Les bandes qui soutiennent la structure se croisent et s’enlacent. Je ne peux m’empêcher de mettre en rapport cette réalisation à la typologie de la « cabane primitive ». Marc-Antoine Laugier a longuement étudié ce concept. Il s’agirait d’une cabane assez essentialiste, ne comportant que quatre pieds pour la soutenir et un toit pour la recouvrir. Elle ne serait composée que du strict minimum, bannissant toute idée d’ornementation superflue. Les ouvertures font partie intégrante de cette structure. De cette façon, la cabane presque dénudée des frères Bouroullec peut s’approcher du concept de la cabane primitive. De la même manière, les « vides » et les ouvertures font de la « Cabane » ce qu’elle est: une délimitation. Mais plutôt que d’être utilitaire, cette cabane est un agrément, une réinterprétation contemporaine.

Bouroullec R. et Er., "Cabane", 2001, métal, polypropylene, laine, mousse, 390x200x150 cm., © Morgane Le Gall, (92,6×38,36 mm.).

Bouroullec R. et Er., Dessins préparatoires – « Cabane », © Ronan et Erwan Bouroullec, (92,6×38,36 mm.).

Car c’est bien là le but principal de cette réalisation;  la création d’une frontière subtile entre un intérieur intime et une dimension extérieure. D’une manière un peu moins subtile, la « Joyn Hut » vient redéfinir l’espace. Elle est créée en 2004 pour Vitra, accompagnant une gamme de fournitures pour bureaux. Il s’agit d’une réalisation en bois solide, tissus et acier peint 440x250x220 centimètres. La structure est relativement simple: deux supports en bois fondent le socle et sont recouverts par un autre support formant le toit. Les « vides » laissés sont complétés par de fines bandes de tissus blanc, semi-opaque. La hutte n’est pas close, mais ouverte de chaque côté, créant un espace de concentration à l’intérieur du lieu de travail. 

Bouroullec R. et Er., « Joyn Hut », 2004, bois, acier peint, tissus, 440x250x220 cm., © Paul and R & E Bouroullec, (410,1×310,88 mm.).

Un espace semi-privé est ainsi délimité. Les effets de lumière crées par les parois fines et la silhouette des objets ou des humains, peut évoquer les ombres chinoises. Tout un univers est crée, mystérieux mais pas sombre, offrant la possibilité de le découvrir si on observe bien.

Bouroullec R. et Er., "Joyn Hut", 2004, bois, acier peint, tissus, 440x250x220 cm., © Paul and R & E Bouroullec, (216,42x145,78 mm.).

Bouroullec R. et Er., « Joyn Hut », 2004, bois, acier peint, tissus, 440x250x220 cm., © Paul and R & E Bouroullec, (216,42×145,78 mm.).

« Quiet Motion » s’inscrit dans un univers sensiblement différent de la « Cabane » et de la « Joyn Hut ». Cependant, on retrouve toujours l’idée de la formation d’une dimension intime et éphémère, dans le temps et l’espace. « Quiet Motion » a été conçu en partenariat avec la société BMW i, en accord avec sa gamme d’automobiles électriques et respectueuses de l’environnement; à l’occasion de la Design Week 2013 de Milan. Ces constructions se sont établies durant six jours dans la cour de la Facoltà Teologica dell’Italia Settentrionale, à Milan. 

Bouroullec R. et Er. & BMW i, "Quiet Motion", 2013, © Tahon & Bouroullec, (211,67x139,43 mm.).

Bouroullec R. et Er. & BMW i, « Quiet Motion », 2013, © Tahon & Bouroullec, (211,67×139,43 mm.).

« Quiet Motion » est conçu selon une logique de respect de l’environnement. Ce sont des plateformes circulaires recouvertes d’un toit lui aussi circulaire, d’où pendent des bandes de tissus (utilisé pour les « Clouds« ), sur lesquelles on peut s’asseoir. Le dispositif tourne lentement sur lui même, en harmonie avec ses semblables. La structure générale est faite en liège et en métal, tandis que le siège est recouvert du même cuir que les automobiles. Le mécanisme faisant tourner l’engin est silencieux, étant basé sur le modèle de celui des voitures électriques.

On pourrait assimiler poétiquement les « Quiet Motion » à un carrousel, dont la forme est proche. Il crée un univers momentané, calme et reposant. Le spectateur peut s’asseoir dessus et regarder le monde tourner lentement autour de lui, contempler le paysage et voir le temps défiler.

Ainsi, ces trois installations, approchant la micro-architecture, se rejoignent en un même lieu: la création ou la définition d’un espace éphémère. Si les deux premières s’apparentent à une cabane, la dernière approche l’air de jeu; côtoyant toutes un espace-temps particulier et devenant le lieu d’un fort potentiel poétique.

(1) « The ‘Cabane‘ simply defines a perimeter, and thus an inside and outside, because it escapes typologies suggesting a particular use, returning to the simple idea of the boundary. “ – Extrait de « Ronan & Erwan Bouroullec », Phaidon, 2003.

Présentation et détail des objets: Bouroullec.com

« Joyn Hut », vitra.com, En ligne, ‹http://www.vitra.com/fr-fr/product/joyn, consulté 13/04/2014.

« Press Release. Quiet Motion », bmwgroup.com, En ligne, ‹https://www.press.bmwgroup.com/global/pressDetail.html?title=bmw-i-in-partnership-with-ronan-and-erwan-bouroullec-present-the-installation-quiet-motion-during-the&outputChannelId=6&id=T0139561EN&left_menu_item=node__4314, consulté le 13/04/2014.

Vidéo: « Quiet Motion » (de Juurian Booij), Support: Vimeo, 02:14 mn., © 2013 Ronan et Erwan Bouroullec. 

Les « Clouds »

Les « Clouds » sont la continuation naturelle des « North Tiles ». Ils poursuivent le projet de moduler un espace grâce à des textiles qui rendent l’environnement plus calme et chaleureux.

BOUROULLEC Er. et R., Clouds, 2008, textile, 500 x 10 x 300 mm., © Paul Tahon and R & E Bouroullec, (12,35 x 8,5 cm.).

BOUROULLEC Er. et R., Clouds, 2008, textile, 500 x 10 x 300 mm., © Paul Tahon and R & E Bouroullec, (12,35 x 8,5 cm.).

BOUROULLEC Er. et R., Clouds, 2008, textile, 500 x 10 x 300 mm., © Paul Tahon and R & E Bouroullec,

BOUROULLEC Er. et R., Clouds, 2008, textile, 500 x 10 x 300 mm., © Paul Tahon and R & E Bouroullec, (8,4 x 9,8 cm.).

Créés en 2008 en collaboration avec le fabricant de textiles danois Kvadrat, les « Clouds », comme leurs précurseurs « North Tiles », sont un ensemble de tuiles textiles assemblables et modulables à l’extrème. Chaque tuile est réalisée en mousse thermo compressée et en tissu et mesure environ 500 x 10 x 300 mm (il n’existe qu’une forme unique). Chaque tuile est bicolore. Il existe deux tissus: Divina et Tempo, ainsi que plusieurs coloris: pour le tissu Divina, six combinaisons au choix : grège/pain brulé, craie/noir, craie/canard, givre/albatre, cendre/savane, ou ébène/loutre; et pour le tissu Tempo, trois combinaisons au choix : orange vif/marron, bleu fonce/bleu clair, ou citron vert/bleu ardoise. Les pièces sont assemblables très facilement au moyen d’élastique. La variété des différentes tuiles et leur association permettent de créer des modules uniques, transformables à l’infini.

BOUROULLEC Er. et R., Clouds, 2008, textile, 500 x 10 x 300 mm., © Paul Tahon and R & E Bouroullec,

BOUROULLEC Er. et R., Clouds, 2008, textile, 500 x 10 x 300 mm., © Paul Tahon and R & E Bouroullec, (10,5 x 10,5 cm.).

Les « Clouds », comme les « North Tiles », modulent l’espace, le divisent. Assemblés en une surface continue, se sont de véritables paroies protégeant du bruit. Les « Clouds » peuvent être fixés au plafond au moyen de cimaises.

BOUROULLEC Er. et R., Clouds, 2008, textile, 500 x 10 x 300 mm., © Paul Tahon and R & E Bouroullec,

BOUROULLEC Er. et R., Clouds, 2008, textile, 500 x 10 x 300 mm., © Paul Tahon and R & E Bouroullec, (10,5 x 7 cm.).

BOUROULLEC Er. et R., Clouds, 2008, textile, 500 x 10 x 300 mm., © Paul Tahon and R & E Bouroullec,

BOUROULLEC Er. et R., Clouds, 2008, textile, 500 x 10 x 300 mm., © Paul Tahon and R & E Bouroullec, (10,5 x 7 cm.).

BOUROULLEC Er. et R., Clouds, 2008, textile, 500 x 10 x 300 mm., © Paul Tahon and R & E Bouroullec,

BOUROULLEC Er. et R., Clouds, 2008, textile, 500 x 10 x 300 mm., © Paul Tahon and R & E Bouroullec, (10,5 x 7 cm.).

 

 

 

 

 

 

Grâce aux plis présents sur chaque tuile, un véritable jeu de trois dimensions se met en place. Ainsi, les tuiles peuvent prendre des formes inédites, tantot celle d’un nuage, tantot celle d’une grotte.

BOUROULLEC Er. et R., Clouds, 2008, textile, 500 x 10 x 300 mm., © Paul Tahon and R & E Bouroullec,

BOUROULLEC Er. et R., Clouds, 2008, textile, 500 x 10 x 300 mm., © Paul Tahon and R & E Bouroullec, (16,6 x 11,6 cm.).

Réorganisables, combinables à l’infini, aussi bien installables au sol qu’aux murs et au plafond, les « Clouds » permettent de transformer n’importe quel espace, de le personnalisé.

« Nous proposons un alphabet des formes plutôt que des phrases construites. »

Les frères Bouroullec proposent, gràce à cette création, des objets qui ne sont pas « fixes » ou « finis » mais en constante évolution.

BOUROULLEC Er. et R., Clouds, 2008, textile, 500 x 10 x 300 mm., © Paul Tahon and R & E Bouroullec,

BOUROULLEC Er. et R., Clouds, 2008, textile, 500 x 10 x 300 mm., © Paul Tahon and R & E Bouroullec, (16,6 x 11,6 cm.).

« Clouds » forment une architecture fluide, un peu désordonnée qui, par le toucher du tissu et leur référence aux nuages, rendent à la pièce tout son aspect chaleureux et calme.

 

« Clouds », Ligneroset.fr, En ligne, http://www.ligneroset.fr/Collection/decorer/textiles/Clouds_1636.aspx, consulté le 13/04/2014.

« Clouds – Les nuages design des frères Bouroullec », Popavenue.com, En ligne, http://www.popavenue.com/post/2009/01/26/Clouds-Les-nuages-design-des-freres-Bouroullec, consulté le 13/04/2014.

Matthieu Bajolet et Thomas Lapointe, « ERWAN BOUROULLEC : « Nos objets doivent pouvoir se reconfigurer dans un contexte » », Revue-entre.fr, En lige, http://www.revue-entre.fr/?q=content/erwan-bouroullec-nos-objets-doivent-pouvoir-se-reconfigurer-dans-un-contexte, consulté le 13/04/2014.

Boutique A-Poc pour Issey Miyake

Issey Miyake, un designer textile japonais, fait appel aux frères Bouroullec en 2000, pour sa boutique parisienne « A-Poc ». Issey Miyake est particulièrement connu pour sa ligne de textiles et parfums « Pleats Please« . Créée en 1993, cette collection de vêtements a connu une ré-édition tous les ans jusqu’à aujourd’hui. Ainsi, peut-on réellement considérer comme étant de la « mode » – donc un phénomène éphémère destiné à disparaître après une saison – un vêtement qui a perduré sans lasser durant deux décennies? Miyake qualifie ces habits, dans une monographie dédiée aux « Pleats Please »:

« Ni couture, ni mode, les Pleats Please sont ‘simplement des vêtements’. » (1)

Le concept de ces vêtements se base totalement sur le processus industriel de production du tissus. Conçu en polyester, le vêtement est coupé et cousu deux fois et demi plus grand que sa taille finale. Il est ensuite pressé entre deux feuilles de papier et chauffé. Des plis permanents le marquent, s’adaptant à la forme du corps sans jamais se déformer. Les vêtements de la gamme « Pleats Please » peuvent ainsi aller à tout le monde tant leur élasticité est grande; ne nécessitant aucun type de soin particulier et ce, sans jamais connaître d’altération. Le type de plissé peut-être choisi en fonction du vêtement, vertical ou horizontal, lui donnant du mouvement et une certaine dimension architecturale. La gamme de vêtements est diversifiée, on trouve des pantalons, hauts, jupes ou robes de couleurs variées et chatoyantes, gardant toujours leur esprit profondément pratique et rationnel.

Miyake I., "Pleats Please", Collection Printemps-Eté 2014, © Issey Miyake, (264,58x132,29 mm.).

Miyake I., « Pleats Please », Collection Printemps-Eté 2014, © Issey Miyake – Isseymiyake.com, (264,58×132,29 mm.).

Quant à A-Poc, il s’agit d’un concept qu’Issey Miyake a développé avec le designer industriel, Dai Fujiwara. A-Poc est l’acronyme de « A Piece of Clothe« , signifiant « un morceau de vêtement ». L’idée est plutôt ludique et interactive, il s’agit de: « vêtements-tubes aux contours prédessinés à découper suivant les pointillés. » (2) La boutique qui présente ces vêtements est autant un concept que l’habit lui-même. En effet, plus que de mettre en valeur une pièce particulière, c’est l’idée générale qui est soulignée.

Il s’agit du premier travail d’architecture intérieure confié aux frères Bouroullec. Jusqu’ici, ils s’intéressaient plutôt au mobilier ou aux installations. Certes, certains de leurs travaux ont été qualifiés de « micro-architecture », cependant, il ne s’agissait pas encore d’un véritable travail architectural. Ronan et Erwan Bouroullec ont conçu la boutique comme un espace évolutif. En effet, la mise en scène intérieure varie tous les six mois. Ainsi, pour répondre à ce processus de modification, l’architecture intérieure a du s’adapter. Ils ont organisé un espace très ouvert, permettant nombre de variations. Pour la structure de l’espace d’exposition, ils ont utilisé du Corian®. Il s’agit d’un matériau produit par la société DuPont, qui offre de grandes possibilités de création et une très bonne résistance. Les frères Bouroullec ont exploité cette matière blanche par des lignes, des courbes au design épuré et sobre.

Bouroullec R. et Er., "A-Poc", bois peint, vert, polyuréthane, 120 m.², © Morgane Le Gall, (158,75x129,38 mm.).

Bouroullec R. et Er., « A-Poc », bois peint, vert, polyuréthane, 120 m.², © Morgane Le Gall, (158,75×129,38 mm.).

La structure d’exposition du tissus et des vêtements s’étant sur les murs et le plafond. Trois barres horizontales, de différentes hauteurs, soutiennent les vêtements. D’autres supports sont placés au plafond, desquels peuvent pendre des cintres sur lesquels sont accrochés des vêtements. La tête du cintre n’est pas apparente, se trouvant vers le haut de l’accroche, ainsi, un long fil vient pendre du plafond et aboutit sur un vêtement.

Bouroullec R. et Er., "A-Poc", bois peint, vert, polyuréthane, 120 m.², © Morgane Le Gall, (74,87x92,6  mm.).

Bouroullec R. et Er., « A-Poc », bois peint, vert, polyuréthane, 120 m.², © Morgane Le Gall, (74,87×92,6 mm.).

Des magnets ont aussi été utilisés pour accrocher les vêtements. De grandes plaques verticales, s’apparentant à des tableaux voulant montrer l’objet exposé, sont disposées à différents endroits de la boutique. D’autres plaques verticales sont disposées de part et d’autre de l’espace, pouvant supporter des chaussures, des sacs ou des accessoires quelconques. Des rouleaux de tissus sont installés à certains endroits, rappelant le concept de la boutique: une gamme de vêtement que l’utilisateur peut choisir de couper. Enfin, de larges plateformes verticales ressemblant à des tables de couturier, permettent au personnel de la boutique de découper le tissus au gré des envies de l’acheteur.

Bouroullec R. et Er., Croquis - Boutique "A-Poc", ©  Bouroullec & Sara Manuelli, (179,12x109,92 mm.).

Bouroullec R. et Er., Croquis – Boutique « A-Poc », © Bouroullec & Sara Manuelli, (179,12×109,92 mm.).

Ainsi, la boutique A-Poc est conçu comme un espace profondément modulable et évolutif. Elle combine les fonctions de boutique, d’espace conceptuel et d’atelier. L’idée de « A Piece of Clothe » mise au point par Miyake et Fujiwara apparait dans la conception intérieure de la boutique. C’est dans un univers sobre, clair, parsemé de quelques touches de couleur, qu’évolue sans cesse la boutique.

(1)Midori Kitamura, « Pleats Please. Issey Miyake« , 2012, Berlin, Taschen, p. 46.

(2)Paquin Paquita, « Quelle A-Poc« , libération.fr, En ligne, ‹http://www.liberation.fr/guide/2000/09/11/quelle-a-poc_336802, consulté le 13/04/2014.

« Entre les plis« , taschen.com, En ligne, ‹http://www.taschen.com/pages/fr/catalogue/fashion/all/04458/facts.pleats_please_issey_miyake.htm, consulté le 13/04/2014.

Hammen Emilie, « Issey Miyake: Le couturier qui voulait être designer« , strabic.fr, En ligne, ‹http://strabic.fr/Issey-Miyake-le-couturier-qui, consulté le 13/04/2014.

Manueli Sara, « Design for Shopping« , 2006, Londres, Laurence King Publishing, p. 178-181.

Vidéo: « Issey Miyake – APOC Galaxy » (de Trillium Studios), Support: Vimeo, 01:26 mn., © 2008 Issey Miyake Design Studio & Trillium Studios.

Boutique A-Poc, Adresse: 47, rue des Francs Bourgeois. 75004, Paris, France.

Textile Field au Victoria and Albert Museum

A l’occasion du London Design Festival, du 15 au 25 Septembre 2011, un large champ de tissus colorés a recouvert le sol de la galerie Raphaël du Victoria and Albert Museum.

Er. et R. Bouroullec, Textile Field, The London Design Festival, 15-25 Septembre 2011, © Studio Bouroullec & V&A Images, Victoria and Albert Museum.

Er. et R. Bouroullec, Textile Field, mousse et tissu, The London Design Festival, 15-25 Septembre 2011, © Studio Bouroullec & V&A Images, Victoria and Albert Museum, (21,9 x 31 cm.).

En association avec la compagnie de textile Kvadrat, les frères Bouroullec ont créé une installation composée d’une trame textile colorée. Sur 8 mètres de large et 30 mètres de long, cette immense installation couvre 240m² de la salle. Elle est composée d’une multitude de rectangles de tissus colorés dans treize nuances de verts, de bleus et de gris qui recouvrent des carrés de mousse qui créent une surface rembourrée. une inclinaison douce fait de la surface une sorte de lit géant.

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Er. et R. Bouroullec, Textile Field, mousse et tissu, The London Design Festival, 15-25 Septembre 2011, © Studio Bouroullec & V&A Images, Victoria and Albert Museum, (24,8 x 16,5 cm.).

Ces textile field forment un espace qui invite le visiteur à s’y asseoir, à s’alonger. Dailleurs, une paire de chaussette et un sac pour ranger les chaussures ont été fourni à chaque visiteur au moment de cette installation. Ainsi confortablement insallé, le visiteur peut alors observer les oeuvres présentées dans la gallerie d’une manière beaucoup plus sereine.

Er. et R. Bouroullec, Textile Field, The London Design Festival, 15-25 Septembre 2011, © Studio Bouroullec & V&A Images, Victoria and Albert Museum.

Er. et R. Bouroullec, Textile Field, mousse et tissu, The London Design Festival, 15-25 Septembre 2011, © Studio Bouroullec & V&A Images, Victoria and Albert Museum, (12,3 x 9,6 cm.).

Le choix de la gallerie Raphaël pour cette installation s’est justifié par les immenses dimensions de la salle rappelant celle d’une église. Ainsi le lieu se prête facilement à la méditation.

« Elle a cette qualité d’une église, dit Erwan Bouroullec, un volume vraiment merveilleux, mais qui, dans un sens, vous fait vous sentir trop petit – comme un sentiment de sacré- de sainteté. »

Grace à cette installation, un regain d’intérêt pour les peintures de Raphaël s’exprime très clairement. Les textile field permettent au visiteur d’avoir une approche toute nouvelle avec les oeuvres de la Renaissance. Grace au confort qu’offre ce champ de tissu, les textile field diminuent la distance qui séparent les oeuvres de Raphaël de notre époque contemporaine. Ils offrent au visiteur la possibilité de s’installer confortablement, de se détendre, de découvrir librement un environnement très intimidant, comme un musée. Ainsi le spectateur peut méditer, se ressourcer, sans effort, sans appréhension, juste de la contemplation. Les couleurs rappellent celles d’un champ qui serait entouré de majestueuses oeuvres d’art. La distance formelle entre spectateur et oeuvre d’art se trouve alors diminuée.

« Nous avons décidé de fournir un type d’élément de mobilier qui aide les gens à détendre  leur corps et ainsi de détendre leur esprit, explique Erwan Bouroullec. Et ainsi, peut-être que le sens viendra. »

Er. et R. Bouroullec, Textile Field, The London Design Festival, 15-25 Septembre 2011, © Studio Bouroullec & V&A Images, Victoria and Albert Museum.

Er. et R. Bouroullec, Textile Field, mousse et tissu, The London Design Festival, 15-25 Septembre 2011, © Studio Bouroullec & V&A Images, Victoria and Albert Museum, (24,8 x 15,6 cm.).

La véritable prouesse de cette installation réside dans le lien qu’elle crée entre, les tableaux de Raphaël et l’art contemporain, qui, en aucune façon, n’altère les oeuvres de la Renaissance malgré ses incroyables dimensions.

La vidéo suivante nous montre bien comment les Textile Field occupent l’espace et comment les visiteurs se les approprient.

On a pu revoir cette installation du 26 avril au 1er septembre derniers, à l’occasion de l’exposition aux Arts Décoratifs de Paris.

« Textile field Ronan Erwan Bouroullec », kvadrattextilefield.com, En ligne, http://www.kvadrattextilefield.com, consulté le 13/04/2014.

« Textile Field by Ronan & Erwan Bouroullec »,dezeen.com, En ligne, http://www.dezeen.com/2011/09/15/textile-field-by-ronan-erwan-bouroullec/, consulté le 13/04/2014.

Les  » North Tiles » pour partitionner l’espace

North Tiles, 2006, pour Kvadrat. Mousse thermocompressée, textile. Centre Pompidou Paris, Musée national d’art moderne – Centre de création industrielle, Paris, © Tahon & Bouroullec, (11,08 x 8,85cm)

Les « North Tiles » ont a l’origine été conçus en 2006 pour l’aménagement du showroom de Kvadrat, une société danoise de textile. Pour cette création Ronan et Erwan ont bénéficié d’une liberté totale de création et ce showroom n’en ai apparu que plus étonnant. Ici on utilise le textile et la mousse pour créer des cloisons suspendues, à la fois paravent et mur. Il s’agit d’une nouvelle façon de diviser l’espace car bien plus qu’une fonction décorative, ce système a aussi une visée acoustique car le tissu isole des sons. Les « North Tiles  » sont donc des parois ludiques,  qui mettent en avant de nouveaux potentiels d’utilisation des tissus. Chaque élément se compose ainsi d’un cœur de mousse revêtu de tissu. Le produit existe revêtu de Divina, Divina Melange, Steelcut et Tempo en plus de 100 coloris différents. Et il faut environ 14 éléments North Tiles pour former un mètre carré tout en sachant qu’un élément principal mesure 28,4 x 64,5 x 1,7 cm. Là encore il s’agit d’un système pouvant être utilisé par des architectes mais aussi par des particuliers car les éléments s’assemblent grâce à un système de pliage simple et souple qui permet d’obtenir des surfaces de tissu en fonction de ses propres souhaits et idées. C’est aussi là que réside plus que jamais la modularité toujours présente au cœur des concepts des frères Bouroullec.

Illustration de la flexibilité des « North Tiles », © crdecoration.com/blog, (9,56 x 7,16cm)

Comme un grand nombre des productions des frères Bouroullec, celle ci a immédiatement été fort apprécié et adopté. Son succès fut tel que récemment le concept des « North Tiles » est entré dans la collection de design du Museum of Modern Art de New York. On l’a introduit dans d’autres institutions muséales comme pour réaliser un pavillon intérieur au Musée d’Art Moderne de Luxembourg en 2006 et un an plus tard cette création a été choisi pour un projet au Centre Pompidou de Paris.

Les « Algues » : conception modulaire par excellence

Si je devais choisir une oeuvre représentant le plus le travail des frères Bouroullec, leurs « Algues »,  sont celles qui apparaitraient en premières. En effet, elles sont certainement l’exemple le plus parlant de leur réflexions sur l’espace et sa modification au travers d’une infinité de combinaisons.

Elles sont créees en 2004 pour Vitra, une société suisse de fabrication de meubles designs, proposant des solutions pour améliorer la « qualité de l’habitat ». Ce produit n’est pas la première association des frères Bouroullec avec l’entreprise Vitra. C’est en 2002 que s’effectue le premier contact entre Ronan & Erwan Bouroullec et la société, au travers du directeur actuel de l’entreprise: Rolf Fehlbaum. Rolf Fehlbaum connaissait certaines des réalisations des frères Bouroullec, dont deux de leurs oeuvres les plus emblématiques: le « Lit clos » (2000) et la « Cuisine désintégrée » (1998), auxquels nous consacrerons bientôt un article. Celui-ci est le fils de Willi Fehlbaum, qui a fondé Vitra en 1950, société alors allemande, mais qui deviendra rapidement suisse, suite à un déplacement de siège social à Birsfelden. L’entreprise se concentre sur la production de meubles de designers, bien qu’elle ne restreigne pas son champs d’intérêt à ce seul domaine.

BOUROULLEC R. et Er., Algues, 2004, polyamide injecté, chaque unité: 300 x 40 x 270 mm., © eric & marie – Bouroullec.com, MNAM-CCI (diffusion RMN), (67,73 x 92,6 mm..).

Les « Algues » sont des modules individuels de 32 x 25.7 x 4 cm, en plastique injecté. Ces pièces au titre évocateur (car c’est bien d’algues à proprement parlé dont il s’agit) sont vendues par vingt-cinq et sont disponibles en sept coloris (blanc, noir, vert, rouge, vert-clair, rouge-clair, transparent). Conçues selon des formes organiques, rappelant ostensiblement la nature et ses courbes accidentelles mais harmonieuses, il convient de les associer les unes aux autres. En effet, chaque module peut s’accrocher à ses pairs grâce à des attaches situées à chaque extrémité de leurs branches. Ainsi, une algue n’est pas à concevoir comme une entité autonome, qui se suffit à elle-même. La réelle force de cette conception est l’accumulation de modules, qui permet nombre de combinaisons différentes.

BOUROULLEC R. et Er., Algues, 2004, polyamide injecté, chaque unité: 300 x 40 x 270 mm., © Georges Meguerditchian – Centre Pompidou, MNAM-CCI (diffusion RMN), (9,7 x 13,2 cm.).

Chaque pièce est identique à l’autre, fruit d’une production en série, copie parfaite. Elles peuvent être aisément assemblées à la main. Une attention particulière a été accordée à cette simplicité de montage. Chaque acheteur peut, de cette façon, associer les pièces au gré de ses envies sans difficulté particulière. Ainsi, les « Algues » peuvent être utilisées de différentes manières, sur de plus ou moins grandes surfaces (sachant que 25 modules recouvrent un mètre carré). S’organisant selon l’impulsion, l’envie de son utilisateur. L’accumulation d’algues peut changer leur apparence et l’appréhension que l’on a d’elles. En superposer plusieurs couches viendrait à créer un rideau épais, coupant la lumière, isolant totalement l’espace. Au contraire, n’en disposer qu’une seule épaisseur donnerait une toute autre impression. Le jeu de lumière et d’ombre filtrant à travers les algues, dans des formes souples se trouve totalement transformé, selon leur association. De rideau fin, simple agrément d’une pièce, elles peuvent prendre une dimension monumentale.

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BOUROULLEC R. et Er., Algues, 2004, polyamide injecté, chaque unité: 300 x 40 x 270 mm., © Ronan et Erwan Bouroullec – Bouroullec, (69,32 x 92,6 mm.).

En effet, les « Algues », modules minimalistes, peuvent prendre une envergure presque architecturale. L’accumulation de ces entités peut amener à transformer complètement l’habitat, le recouvrant dans un amas, dans une forêt organique. Lors de la conception du projet, les frères Bouroullec les avait imaginé recouvrir le haut de jardins, le toit d’immeubles. Les algues auraient alors servi de camouflage, offrant à la ville une ornementation plus naturelle. Ou bien comme un rideau épais voulant totalement couper un espace, comme un mur, une paroi infranchissable.

BOUROULLEC R. et Er., Algues, 2004, polyamide injecté, chaque unité: 300 x 40 x 270 mm., © Paul Tahon and R & E Bouroullec – Bouroullec.com, (92,6 x 54,23 mm.).

Les « Algues » sont un bel exemple d’installation modulaire, qui peut transformer un espace en de multiples combinaisons, et offrant de nouvelles solutions pour agrémenter l’habitat. Elles s’inscrivent totalement dans la ligne directrice du travail des frères Bouroullec et leur recherche sur la modification de l’espace; mais aussi sur la possibilité de créer de nombreuses oportunités avec une seule forme. Les combinaisons qu’elles offrent sont infinies et permettent de créer autant d’univers sensoriels différents. Car plus que personnaliser un espace, elles donnent l’opportunité d’expérimenter une ambiance poétique et personnelle.

Présentation et détail des objets: ‹http://www.bouroullec.com/›.

Bajolet Matthieu et Lapointe Thomas, « Erwan Bouroullec: ‘Nos objets doivent pouvoir se reconstituer dans un contexte », revue-entre.fr, En ligne, ‹http://www.revue-entre.fr/?q=content/erwan-bouroullec-nos-objets-doivent-pouvoir-se-reconfigurer-dans-un-contexte, consulté le 05/04/2014.

Gazsi Melina, « Les frères Bouroullec en apesanteur« , lemonde.fr, En ligne, ‹http://www.lemonde.fr/style/article/2013/05/14/les-freres-bouroullec-en-apesanteur_3202309_1575563.html, consulté le 05/04/2014.