Les « Algues » : conception modulaire par excellence

Si je devais choisir une oeuvre représentant le plus le travail des frères Bouroullec, leurs « Algues »,  sont celles qui apparaitraient en premières. En effet, elles sont certainement l’exemple le plus parlant de leur réflexions sur l’espace et sa modification au travers d’une infinité de combinaisons.

Elles sont créees en 2004 pour Vitra, une société suisse de fabrication de meubles designs, proposant des solutions pour améliorer la « qualité de l’habitat ». Ce produit n’est pas la première association des frères Bouroullec avec l’entreprise Vitra. C’est en 2002 que s’effectue le premier contact entre Ronan & Erwan Bouroullec et la société, au travers du directeur actuel de l’entreprise: Rolf Fehlbaum. Rolf Fehlbaum connaissait certaines des réalisations des frères Bouroullec, dont deux de leurs oeuvres les plus emblématiques: le « Lit clos » (2000) et la « Cuisine désintégrée » (1998), auxquels nous consacrerons bientôt un article. Celui-ci est le fils de Willi Fehlbaum, qui a fondé Vitra en 1950, société alors allemande, mais qui deviendra rapidement suisse, suite à un déplacement de siège social à Birsfelden. L’entreprise se concentre sur la production de meubles de designers, bien qu’elle ne restreigne pas son champs d’intérêt à ce seul domaine.

BOUROULLEC R. et Er., Algues, 2004, polyamide injecté, chaque unité: 300 x 40 x 270 mm., © eric & marie – Bouroullec.com, MNAM-CCI (diffusion RMN), (67,73 x 92,6 mm..).

Les « Algues » sont des modules individuels de 32 x 25.7 x 4 cm, en plastique injecté. Ces pièces au titre évocateur (car c’est bien d’algues à proprement parlé dont il s’agit) sont vendues par vingt-cinq et sont disponibles en sept coloris (blanc, noir, vert, rouge, vert-clair, rouge-clair, transparent). Conçues selon des formes organiques, rappelant ostensiblement la nature et ses courbes accidentelles mais harmonieuses, il convient de les associer les unes aux autres. En effet, chaque module peut s’accrocher à ses pairs grâce à des attaches situées à chaque extrémité de leurs branches. Ainsi, une algue n’est pas à concevoir comme une entité autonome, qui se suffit à elle-même. La réelle force de cette conception est l’accumulation de modules, qui permet nombre de combinaisons différentes.

BOUROULLEC R. et Er., Algues, 2004, polyamide injecté, chaque unité: 300 x 40 x 270 mm., © Georges Meguerditchian – Centre Pompidou, MNAM-CCI (diffusion RMN), (9,7 x 13,2 cm.).

Chaque pièce est identique à l’autre, fruit d’une production en série, copie parfaite. Elles peuvent être aisément assemblées à la main. Une attention particulière a été accordée à cette simplicité de montage. Chaque acheteur peut, de cette façon, associer les pièces au gré de ses envies sans difficulté particulière. Ainsi, les « Algues » peuvent être utilisées de différentes manières, sur de plus ou moins grandes surfaces (sachant que 25 modules recouvrent un mètre carré). S’organisant selon l’impulsion, l’envie de son utilisateur. L’accumulation d’algues peut changer leur apparence et l’appréhension que l’on a d’elles. En superposer plusieurs couches viendrait à créer un rideau épais, coupant la lumière, isolant totalement l’espace. Au contraire, n’en disposer qu’une seule épaisseur donnerait une toute autre impression. Le jeu de lumière et d’ombre filtrant à travers les algues, dans des formes souples se trouve totalement transformé, selon leur association. De rideau fin, simple agrément d’une pièce, elles peuvent prendre une dimension monumentale.

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BOUROULLEC R. et Er., Algues, 2004, polyamide injecté, chaque unité: 300 x 40 x 270 mm., © Ronan et Erwan Bouroullec – Bouroullec, (69,32 x 92,6 mm.).

En effet, les « Algues », modules minimalistes, peuvent prendre une envergure presque architecturale. L’accumulation de ces entités peut amener à transformer complètement l’habitat, le recouvrant dans un amas, dans une forêt organique. Lors de la conception du projet, les frères Bouroullec les avait imaginé recouvrir le haut de jardins, le toit d’immeubles. Les algues auraient alors servi de camouflage, offrant à la ville une ornementation plus naturelle. Ou bien comme un rideau épais voulant totalement couper un espace, comme un mur, une paroi infranchissable.

BOUROULLEC R. et Er., Algues, 2004, polyamide injecté, chaque unité: 300 x 40 x 270 mm., © Paul Tahon and R & E Bouroullec – Bouroullec.com, (92,6 x 54,23 mm.).

Les « Algues » sont un bel exemple d’installation modulaire, qui peut transformer un espace en de multiples combinaisons, et offrant de nouvelles solutions pour agrémenter l’habitat. Elles s’inscrivent totalement dans la ligne directrice du travail des frères Bouroullec et leur recherche sur la modification de l’espace; mais aussi sur la possibilité de créer de nombreuses oportunités avec une seule forme. Les combinaisons qu’elles offrent sont infinies et permettent de créer autant d’univers sensoriels différents. Car plus que personnaliser un espace, elles donnent l’opportunité d’expérimenter une ambiance poétique et personnelle.

Présentation et détail des objets: ‹http://www.bouroullec.com/›.

Bajolet Matthieu et Lapointe Thomas, « Erwan Bouroullec: ‘Nos objets doivent pouvoir se reconstituer dans un contexte », revue-entre.fr, En ligne, ‹http://www.revue-entre.fr/?q=content/erwan-bouroullec-nos-objets-doivent-pouvoir-se-reconfigurer-dans-un-contexte, consulté le 05/04/2014.

Gazsi Melina, « Les frères Bouroullec en apesanteur« , lemonde.fr, En ligne, ‹http://www.lemonde.fr/style/article/2013/05/14/les-freres-bouroullec-en-apesanteur_3202309_1575563.html, consulté le 05/04/2014.

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